Des nouvelles du Dr Nicolas Chatron - Aide à la mobilité 2017

6 octobre 2021
Actualité scientifique / Publié le 06/10/2021

Le Dr Nicolas Chatron a reçu une aide en 2017-2018 pour suivre un stage doctoral d’un an au sein du laboratoire du Pr Alexandre Reymond à l’Université de Lausanne. Il nous informe du progrès de ses travaux sur les remaniements chromosomiques complexes qui sont en prépublication.

Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon

La déficience intellectuelle touche 1-3% de la population et 0,1% de la population est touchée par une forme sévère de la déficience intellectuelle. On sait maintenant que la part génétique (monogénique) de ces déficiences intellectuelle est d’au moins 50% dans les formes sévères. Les différents types de variations génétiques qui peuvent être identifiées sont des changements d’une lettre dans le code génétique à une position isolée (variations nucléotidiques), des variations de structure des chromosomes qui peuvent être équilibrées (sans perte ni gain de matériel génétique) ou déséquilibrées (variation du nombre de copies). La cytogénétique est l’étude de l’organisation, de l’évolution, du fonctionnement et des variations des chromosomes humains et cherche donc à identifier les deux derniers types de remaniement évoqués. Pour ce faire, l’examen de base réalisé chez les patients et l’étude du caryotype. Cet examen permet de voir tout notre génome avec une résolution d’environ 10 millions de nucléotides. Les variations de plus petite taille ne peuvent pas être détectées via cette méthode. C’est la méthode de choix pour confirmer un diagnostic de trisomie 21 par exemple. La limitation de résolution a été en partie levée au cours des années 2000 avec l’arrivée des techniques de puce à ADN atteignant une résolution 100 x plus fine (100 000 nucléotides) au détriment de l’identification des remaniements équilibrés habituellement non impliqués dans la déficience intellectuelle.

En plus des nouveaux diagnostics faits, cette technologie a également permis une soudaine amélioration des connaissances sur la structure de notre génome et les variabilités interindividuelles. Ont notamment pu être identifiées des remaniements exceptionnels extrêmement complexes d’abord dans des tissus tumoraux puis à l’état constitutionnel chez des patients. Au début des années 2010, ces premières observations font naître l’hypothèse d’une mécanique chromosomique nouvelle : une pulvérisation chromosomique (chromothripsis : « -thripsis » explosion en grec). Il s’agirait d’un évènement catastrophique unique touchant un ou quelques chromosomes suivi soit d’une mort cellulaire soit d’une réparation aléatoire du génome avec le risque de perte de ou de gain de fragments ajouté au risque d’interruption de matériel génétique codant.

Dans le cadre de ma thèse, soutenu par la Fondation Planiol, j’ai pu colliger la plus grande cohorte de remaniements constitutionnels à ce jour via une collaboration avec l’ensemble des CHU français et une équipe britannique. Nous avons ensuite réalisé un séquençage de génome complet pour caractériser au nucléotide près chacun des points de cassure chromosomique et essayer de reconstruire les remaniements. Le soutien de la Fondation Planiol m’a particulièrement permis de réaliser un stage doctoral d’un an au sein du laboratoire du Pr Alexandre Reymond à l’Université de Lausanne. Cette équipe est mondialement reconnue pour son travail sur les remaniements chromosomiques et leurs conséquences en pathologie. Avec eux j’ai pu analyser la répartition observée des 700 points de cassure chromosomiques identifiées dans la cohorte et la comparer à diverses simulations de chromothripsis. Il en ressort, après analyse multinomiale, un enrichissement de points de cassure de remaniements complexes dans les régions chromatinienne de réplication tardive. Lors de la division cellulaire notre génome doit être dédoublé (répliqué) pour être transmis à deux cellules filles à partir d’une cellule mère. Ce processus ne se fait pas de manière synchrone et l’on connaît les régions habituellement répliqués précocement et celles qui le sont plutôt tardivement. Cette observation correspond à une hypothèse mécanistique capable d’expliquer la concentration sur un ou quelques chromosomes des points de cassure de chromothripsis. Cette hypothèse est celle de la séquestration accidentelle d’un chromosome dans un micronoyau au moment de la réplication. Ce micronoyau serait déficient pour un bon nombre d’éléments de la machinerie cellulaire utiles à la protection du génome et à sa réplication.

En ligne avec cette hypothèse, notre observation d’enrichissement de points de cassure dans les zones de réplication tardive s’imbrique parfaitement dans un scenario où un chromosome bloqué dans un micronoyau verrait sa réplication retardée et ferait donc face à une condensation prématurée pour passer à l’étape suivante de division cellulaire avec un stress sur les fourches de réplication encore actives entraînant une cassure double brin de l’ADN (hypothèse de Premature Condensation of a Chromosome). Il s’agit là de la première observation in vivo directement sur des données de patients de théories développées à partir de modèles cellulaires.

Parallèlement, ce travail a également un nouveau champ de recherche sur les remaniements plus simples (et plus courants) que nous allons poursuivre.

Ce travail a été soumis pour publication à un journal international et est accessible en prépublication.

Je remercie, une nouvelle fois, la Fondation Planiol pour son inestimable soutien dans cette aventure scientifique et humaine qui a permis d’en apprendre plus sur la biologie de notre génome, étape fondamentale avant l’application en santé humaine pour la déficience intellectuelle et les troubles du neurodéveloppement.

Nicolas CHATRON

MCU-PH - Service de Génétique

Laboratoire de Cytogénétique

Hospices Civils de Lyon

Groupement Hospitalier Est

69677 Bron Cedex

Université Lyon 1

Equipe Courchet, INMG

Pour en savoir plus

Nous remercions le Docteur  Nicolas Chatron (Aide à la mobilité en 2017)  de nous avoir donné des nouvelles et nous le félicitons pour son travail sur les remaniements chromosomiques complexes  (en prépublication).

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