"Saisir" les émotions : les réseaux de neurones miroirs dans la pathologie autistique
Responsable du programme
Dr Joëlle Martineau
Unité INSERM U619, TOURS
Résumé
La pathologie autistique se caractérise notamment par des difficultés à interagir avec autrui. Ces difficultés d'interaction pourraient résulter des troubles de la reconnaissance des expressions émotionnelles faciales fréquemment rapportés dans cette pathologie. La reconnaissance et la compréhension des expressions faciales de l'autre s'avèrent essentielles pour comprendre ses intentions et son état affectif interne.
Chez l'individu sain la perception des expressions faciales induit une légère imitation chez l'observateur ; ainsi la perception d'un visage souriant induit une légère contraction des zygomatiques. Ce lien qui existe entre imitation et compréhension des émotions de l'autre, suggère que la compréhension des émotions passe par le comportement moteur. Des études ont mis en évidence la présence de neurones impliqués dans les processus d'imitation au niveau du cortex prémoteur. Ces neurones miroirs ont la particularité de s'activer à la fois lorsqu'on fait une action et lorsqu'on perçoit quelqu'un faire cette même action. Ils sont à la base de l'imitation des gestes et de l'apprentissage chez l'enfant, ils interviennent dans l'émergence du langage et dans l'empathie, c.a.d. dans la compréhension des états émotionnels de l'autre.
L'activation des neurones miroirs participe également à la compréhension des expressions émotionnelles d'autrui en permettant de se représenter de façon interne l'état affectif de l'autre. Dans cette étude, nous supposons qu'un dysfonctionnement de l'activation des neurones miroirs pourrait être à l'origine des difficultés de compréhension des émotions dans la pathologie autistique. Grâce à une étude en imagerie nous recherchons les éventuels dysfonctionnements de ce système miroir chez des patients adultes atteints d'autisme. Nous regardons les activations obtenues chez ces sujets lors de l'observation de visages neutres, exprimant une émotion et d'images générant une émotion pour comparer à celles obtenues chez les sujets témoins. La comparaison des activations obtenues dans ces situations, nous permettra de mettre en évidence les zones d'activation communes et ainsi de localiser les réseaux de neurones miroirs impliqués à la fois dans la perception des émotions et dans le ressenti des émotions. Huit adultes autistes et huit témoins (sur 10 prévus dans chaque groupe) ont déjà été inclus dans le protocole et les premiers résultats corroborent notre hypothèse d'un dysfonctionnement du réseau de neurones miroirs dans la pathologie autistique.
Simultanément, une étude du comportement oculaire, lors de l'observation de visages exprimant ou non une émotion, menée à la fois chez l'enfant, chez l'adulte, sain et atteint d'autisme vient d'être achevée. Les premiers résultats révèlent des différences comportementales entre sujets sains et sujets atteints d'autisme. Notre demande de soutien de programme de recherche a pour but le recrutement d'un vacataire ingénieur d'étude qui nous permettrait de traiter les résultats des examens déjà effectués (en suivi du regard et en IRM), de les interpréter et de les publier plus rapidement. Les résultats obtenus serviront à orienter la prise en charge des jeunes patients vers des thérapies permettant en particulier de rééduquer les fonctions de perception et de reconnaissance des expressions faciales à travers les mécanismes d'imitation et d'action.