Caractérisation des troubles du langage chez les enfants sourds implantés
Responsable du programme
Sandrine FERRE
INSERM U930 Imagerie et Cerveau, Equipe Autisme, Université François Rabelais de Tours.
Résumé
Contexte : L’implantation cochléaire précoce, unilatérale voire bilatérale, est devenue quasi-systématique chez les enfants sourds profonds congénitaux. Elle permet d’obtenir chez la majorité de ces enfants un bon pronostic quant au développement du langage oral. Toutefois, il a été rapporté qu’entre 30 et 45% des enfants présentent un niveau de langage faible 8-10 ans après l’implantation. Cette variation inter-individuelle importante peut s’expliquer par différents facteurs tels que l’âge d’implantation, le profil évolutif de la surdité, un environnement plus ou moins porteur ou une pathologie associée. En dehors de l’intervention de l’un ou plusieurs de ces facteurs, il existe néanmoins des enfants chez lesquels persistent des difficultés d’accès au langage. Alors que l’implant fonctionne correctement, et qu’ils identifient et discriminent parfaitement les bruits, ces enfants présentent une absence de progression linguistique après 24 à 36 mois d’implantation et une reconnaissance limitée des sons du langage et de la parole. La question de la présence d’un trouble spécifique du langage se pose alors. Il a en effet été mis en évidence un trouble en langue des signes chez certains enfants sourds signants. Par conséquent, si un enfant sourd présente un trouble du langage, les difficultés linguistiques devraient apparaître dans toutes les langues qu’il maîtrise, quelles que soient leur modalité (orale ou signée). En outre, les études neurophysiologiques chez les enfants appareillés ayant des difficultés de langage ont montré une altération des réponses électrophysiologiques reflétant l’intégration des stimuli auditifs au niveau temporal. De la même façon, certaines anomalies électrophysiologiques se retrouvent chez les enfants entendants avec Trouble Spécifique du Langage (TSL), caractéristiques d’une mauvaise discrimination des contrastes linguistiques et non-linguistiques.
Objectif : Ce projet vise à mieux comprendre le cas de ces enfants sourds implantés dont le développement du langage est altéré afin de déterminer plus précisément la nature de leurs difficultés. Il cherchera à déterminer si ces problèmes langagiers sont causés par un trouble spécifique du langage ou si elles sont dues à des difficultés de traitement des stimuli langagiers en lien avec la surdité.
Méthodologie envisagée : Deux groupes d’enfants sourds profonds implantés avant l’âge de 4 ans, âgés de 6 à 10 ans, l’un avec Langue des Signes Française (LSF), et l’autre sans LSF seront examinés. Ces deux groupes seront divisés en deux sous-groupes, avec ou sans difficultés d’accès au langage oral. Seront recrutés également un groupe d’enfants normo-entendants au développement typique, ainsi qu’un groupe d’enfants avec TSL. Plusieurs épreuves langagières et électrophysiologiques seront utilisées. Une évaluation standardisée du langage sera administrée à tous les participants afin d’avoir une mesure générale de leurs compétences langagières. Deux épreuves expérimentales en français (répétition de phrase et répétition de non-mots) seront utilisées, basées sur une hypothèse de complexité (phonologique et morphosyntaxique) connue pour entrainer plus de difficultés chez les enfants au développement langagier atypique. Ces deux tâches permettent de différencier de façon très spécifique et sensible les enfants avec TSL des enfants sans TSL. Des épreuves expérimentales en LSF seront également proposées aux enfants signants afin de déterminer de façon similaire leur compétence phonologique et syntaxique (répétition de non-signes et répétition de phrase). Enfin des examens électrophysiologiques seront proposés aux enfants implantés sans LSF, avec ou sans trouble du langage oral, ainsi qu’aux enfants normo-entendants. Ils permettront de recueillir et comparer entre ces différents groupes, les réponses cérébrales traduisant les processus de discrimination auditive entre stimuli langagiers de structure simple et de structure complexe.
Originalité et résultats attendus : S’il existe un TSL chez les enfants sourds implantés, nous devrions retrouver des résultats chutés aux épreuves en langue orale et en LSF, et des anomalies électrophysiologiques similaires aux enfants avec TSL. Si les résultats électrophysiologiques et expérimentaux diffèrent des résultats des enfants avec TSL, l’origine des difficultés d’accès au langage oral serait alors de nature purement auditive. Sur le plan clinique une meilleure compréhension de la nature du déficit langagier chez les enfants implantés permettrait de leur proposer une prise en charge plus adaptée.